Masculinité aujourd’hui
(NOTE : ce texte est le script de l’audio que vous pouvez écoutez en entier et gratuitement en téléchargeant l’application insightTimer. Extrait disponible ci-dessous.) La masculinité est en crise. De nos jours, l’homme ne sait plus trop comment il doit être au monde. Perdu entre injonctions, désirs et pression sociétale, le modèle masculin vacille, se cherche, tente, puis se ravise. Parfois cliché, parfois effacé, ce qui fait un homme n’est plus très clair. Une bonne partie des hommes se sentent bousculés dans leurs certitudes par, entre autres, les bouleversements qu’a connu notre société ces dernières décennies, l’ascension des femmes, les mouvements féministes ou la procréation médicalement assistée. Et même si globalement ces changements sont les bienvenus, leur soudaineté à mis en travail et souvent en souffrance toute une partie de la société. Nos hommes. Quelle place pour le masculin ? Que faire de toute cette testostérone ? Quelles voies d’améliorations et surtout …. Que pourrait apporter au monde un homme parfaitement aligné, assertif et lumineux ? La crise de la masculinité est comme toute crise un épisode, une étape. Mais pouvons-nous influer sur la direction de cette étape ? Voici quelques éléments de réponse. L’adage dit, “on ne naît pas Homme, on le devient”. Erasme fait partie de ceux qui l’ont cité, tout comme Simone de Beauvoir qui l’a féminisé, mais apparemment, il remonte à plus longtemps encore. Par « Homme », il entend l’Homme au sens générique, avec une majuscule. Et pour le devenir, il faut selon lui « faire ses humanités », ce qui signifie, lire, étudier, en somme, cultiver son esprit. Dans certaines cultures c’est le rite de passage qui marque l’entrée dans le monde des hommes adultes. Dans nos cultures occidentales, cette pratique est bien moins ritualisée voire même pas du tout, mais on pourrait citer le permis de conduire, le baccalauréat, le mariage, la parentalité entre autres. Ils portent en eux un peu de cette signification ancienne. Bref, devenir un homme, aujourd’hui, ça se fait un peu tout seul. Les pères ont été pendant longtemps des pères absents, et les fils du présent sont en manque de reconnaissance paternelle et de structure rassurante. Et comme le dit Guy Corneau dans son ouvrage “père manquant, fils manqué” : pour un homme, avoir un père absent c’est manquer d’une colonne vertébrale qui nous soutient de l’intérieur. Notre sexe ne suffit pas à bâtir notre personnalité de genre. Nous commençons à la fabriquer dans la petite enfance quand nous remarquons qu’il y a des différences entre les filles et les garçons et que nous sommes soit l’un soit l’autre. Notre développement psychosexuel débute. L’œdipe avec lui. Ensuite, vient la puberté. Nous allons commencer à former des groupes, à forger des amitiés avec des semblables du même genre, observer l’autre sexe, ses différences, engrammer en nous les codes, les injonctions voire même les diktats que semble nous imposer notre genre. Nous nous comportons de manière exagérée en présence de l’autre sexe, en surjouant les clichés du nôtre, en imitant nos parents, nos amis, nos grands frères et sœurs, les personnages de nos livres ou séries préférés, en somme, en nous conformant aux codes de la société dans laquelle nous évoluons. C’est à ce moment que le garçon, éduqué par des parents disons classiques, régulièrement entouré d’autres garçons que ce soit dans sa vie familiale ou sociale et suivant sa tendance naturelle, va, plus ou moins, développer sa virilité. Cette qualité qui définit un homme en bon état de fonctionnement et qui lui confère les qualificatifs suivantes : actif, énergique, courageux. Bon, on est sur une définition plutôt simpliste hein. Il y a bien entendu pléthore de qualités qu’un homme peut avoir et, que cela nous plaise ou non, de défauts. Notre société occidentale ne favorise pas le développement émotionnel des humains qui en font partie. Elle fait en sorte que nous soyons productifs, pas libres ni alignés émotionnellement. Du coup, nous arrivons à maturité avec un terrain émotionnel chargé, voire ravagé. Et les complexes se transmettent de génération en génération, de pères en fils. Le silence des générations précédentes est une malédiction pour les suivantes. Si personne ne se décide à faire le travail, à déblayer toutes les méconnaissances et traumatismes que ces silences ont engrammé, les choses ne sont pas prêtes de changer. Il fût un temps, le pourvoyeur de ressources était l’homme, ce qui lui conférait un pouvoir immense de décision au sein de son foyer, et le rendait indispensable et irremplaçable. Aujourd’hui le chômage explose, les femmes travaillent et s’émancipent, et sont donc libres de vivre seules, ce qui renvoie l’homme à la question de son utilité propre. “Je ne peux porter la vie, je ne suis plus le seul à ramener des sous, on me dit que le masculin est toxique, ma force physique n’est plus utile que lorsqu’il faut ouvrir un pot de cornichons, mais du coup, je sers à quoi, quelle est ma plus-value dans la société ?” . Cette question d’utilité est centrale, être utile est un besoin fondamental aussi bien pour les hommes que pour les femmes. La crise du Covid a vu nos gouvernements décider unilatéralement de ceux qui étaient essentiels, et de ceux qui ne l’étaient pas. Au-delà des considérations médicales, scientifiques justifiées ou non, voilà encore un événement qui a créé énormément de traumatismes sur une société déjà très fragilisée par endroit. Un grand penseur du monde arabe, Ibn Khaldoun est à l’origine d’une citation que l’on a pas mal lu ces derniers temps : Les hommes forts créent les périodes de paix. Les périodes de paix créent les hommes faibles. Les hommes faibles créent des temps difficiles. Robert Bly, un célèbre poète américain qui s’inspire pas mal des travaux de Jung en la matière, évoque dans son livre “L’homme sauvage et l’enfant” l’observation que les jeunes hommes privés de père, accaparés par le travail ou morts à la guerre, vont se suridentifier à la mère, créant toute une génération d’homme « doux ». Il dit :